Histoire des chiens de chasse au Japon, vol. 1 — Les limiers de l’Antiquité
- Suda Hiroko すだDOGファーム
- il y a 7 jours
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Des Jōmon à l’époque d’Edo : une histoire de coexistence entre l’homme et le chien

1. Introduction : le plus ancien partenariat de l’humanité avec le chien
Le lien entre l’homme et le chien remonte au Paléolithique. Le chien (Canis familiaris) est généralement considéré comme le premier animal domestiqué ; il n’était pas un simple « bétail », mais un compagnon du quotidien et un partenaire de chasse. Dans l’archipel japonais, des restes canins exhumés sur des sites du début de la période Jōmon attestent la profondeur de cette relation.
À cette époque, l’homme ne disposait pas d’armes à feu et se limitait à l’arc, aux flèches et aux pièges. Dans ce contexte, le chien — chargé de repérer et de suivre le gibier et d’alerter du danger — jouait un rôle stratégique pour le chasseur, presque celui d’un « officier de terrain ».
2. Période Jōmon — Apparition des chiens de chasse et preuves archéologiques

2.1 Restes canins et coexistence avec l’homme
De nombreux ossements de chiens ont été découverts sur des sites Jōmon. À Sannai-Maruyama (Aomori) et au dépôt coquillier d’Ubayama (Chiba), des chiens ont été enterrés aux côtés d’humains — signe qu’ils étaient considérés non seulement comme force de travail, mais aussi comme partenaires spirituels.
2.2 Traces de guérison sur les os
Beaucoup d’ossements présentent des fractures ou des lésions cicatrisées. Cela indique que les chiens blessés étaient protégés, nourris et soignés jusqu’à guérison. Autrement dit, les chiens de chasse n’étaient pas des « outils jetables », mais des membres à part entière de la communauté.
2.3 Rôle cynégétique
Le chien Jōmon, de taille moyenne (environ 40 cm au garrot), agile, était adapté à la chasse aux petits et moyens gibiers (lièvre, cerf, sanglier). Exploitant le comportement de meute pour acculer la proie, les chiens permettaient à l’homme d’achever la chasse à l’arc ou à la lance. Cette opération conjointe homme–chienformait un socle des stratégies de survie Jōmon.
3. Période Yayoi — Arrivée de chiens continentaux et consommation de viande canine

3.1 Chiens venus du continent et hybridation
À l’époque Yayoi, des chiens plus grands venus du continent auraient contribué aux lignées des races japonaises ultérieures. Les données archéologiques suggèrent des croisements avec les chiens Jōmon, tout en entraînant le déclin progressif de la lignée Jōmon.
3.2 Usage alimentaire du chien
Avec l’essor de la riziculture, le chien devint à la fois partenaire de chasse et ressource carnée. Des traces de découpe sur des os de chiens montrent qu’il représentait aussi une source protéique importante dans les communautés sédentaires, signe d’une diversification des fonctions canines lors du passage de la chasse à l’agriculture.
4. Des Kofun au Moyen Âge — Prestige et spécialisation
4.1 Symbolique des chiens dans les haniwa et les tombes

Parmi les haniwa de l’époque des Kofun figurent des représentations de chiens. Plus que de simples animaux domestiques, ils symbolisaient l’autorité royale et la puissance guerrière. Le chien de chasse devient ainsi un emblème de la force du détenteur du pouvoir.
4.2 Mentions canines dans les textes
Le Nihon Shoki et le Kojiki évoquent les chiens. Leur rôle de « découvreurs de gibier » et leur participation à des rites religieux montrent que les chiens de chasse étaient intégrés aux institutions sociales.
4.3 Fauconnerie et chiens
À partir de l’époque Heian, nobles et guerriers pratiquent la fauconnerie, les chiens assurant la poursuite et le rabattage du gibier. La coopération chien–faucon symbolise l’autorité du monde guerrier tout en constituant une combinaison rationnelle renforçant l’efficacité de la chasse.
5. Époque d’Edo — Chasse institutionnalisée et gestion des chiens de chasse
5.1 Réglementation de la chasse et gestion des chiens
Le shogunat Tokugawa encadrait strictement la chasse : sans l’agrément du seigneur, elle était interdite. Les chiens de chasse étaient considérés comme des « biens du seigneur » ; leur usage non autorisé était puni. Ainsi, les chiens furent pris en charge par un cadre légal et institutionnel.
5.2 Édits de compassion envers les êtres vivants et chiens

Les édits de Tokugawa Tsunayoshi visaient à protéger les animaux, chiens compris, tout en reconnaissant un rôle aux chiens de chasse et de déprédation. Cette dualité montre que le chien était à la fois « objet de protection » et « auxiliaire employé par l’homme ».
6. Culture populaire et regard sur le chien de chasse après la mort
6.1 Inu-zuka et cultes commémoratifs
Partout au Japon, on trouve des tombes et stèles pour chiens de chasse (inu-zuka). Elles perpétuent des rites par lesquels les chasseurs pleuraient leurs chiens et les « rendaient » aux divinités de la montagne.
6.2 Culte montagnard et chiens
Dans des lieux comme le village de Shiiba, le chien de chasse était vu comme le messager du dieu de la montagne, et le retour des restes du chien à la montagne relevait du culte. C’est la preuve culturelle d’une relation d’égal à égal entre l’homme et le chien remontant aux Jōmon.
7. Chiens de chasse du Nord — Culture aïnoue et chien de Sakhaline
7.1 Chiens de chasse chez les Aïnous
Les Aïnous chassaient cerf et ours brun avec des chiens de Hokkaidō. Les chiens tiraient les traîneaux, portaient des charges et étaient indispensables au quotidien. Présents dans la mythologie aïnoue, les chiens de chasse y sont vénérés comme êtres spirituels.
7.2 Rôle du Karafuto-ken (chien de Sakhaline)

À Sakhaline, le Karafuto-ken, grand et résistant au froid, excellait au traîneau et à la chasse. Ces chiens nordiques furent ensuite employés par l’armée et les expéditions, conservant un rôle culturel jusqu’à l’époque moderne.
8. Regard comparatif — Les chiens de chasse du monde et la singularité japonaise
Face aux chiens courants (scent hounds) et aux lévriers (sighthounds) européens, les chiens de chasse japonais se distinguent par une taille moyenne, une grande polyvalence et une adaptation au relief montagneux — un profil de « généralistes ». Cette adaptation reflète des milieux escarpés où la polyvalence primait sur l’hyper-spécialisation.
9. Synthèse : la portée scientifique de l’histoire des chiens de chasse
On peut résumer l’histoire japonaise des chiens de chasse ainsi :
Jōmon : partenaires essentiels à la survie ;
Yayoi : diversification avec l’arrivée de chiens continentaux et l’usage alimentaire ;
Kofun–Moyen Âge : symboles d’autorité ; coopération avec la fauconnerie ;
Époque moderne (Edo) : existence sous contrôle et réglementation ;
Culture populaire : commémorés après la mort, persistants comme êtres spirituels ;
Cultures du Nord : développement singulier de chiens adaptés aux froids extrêmes.
L’histoire des chiens de chasse dépasse la simple histoire animale : elle reflète les visions japonaises de la nature et du religieux, ainsi que l’histoire de ses institutions.
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